Conseils pour les intervenants auprès d’un mineur victime de prostitution
La conduite prostitutionnelle doit être abordée sous l’angle du symptôme de difficultés plus larges. En aucun cas le mineur ne peut être réduit à son activité prostitutionnelle.
Que penser à propos de la victime ?
En aucun cas la responsabilité des violences ne doit être attribuée à la victime. L’engagement émotionnel ou relationnel de la victime avec ses proxénètes ou ses clients ne doit pas être reconnu comme de la coresponsabilité. L’intervenant doit rappeler à la victime que rien de ce qu’elle a fait ne justifie la violence, et doit en attribuer la responsabilité aux proxénètes et aux clients.
Bien que les mineurs prostitués soient des victimes, vous pourrez constater différents comportements de leur part. Il s’agira de toujours s’adapter :
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La victime est bouleversée, en larmes
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La victime apparaît comme « volontaire »
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La victime semble être sans émotions. Attention : les violences sexuelles provoquent souvent une sidération et un état dissociatif chez les victimes. Cette réaction post-traumatique classique est un mécanisme neurologique qui protège les victimes et leur permet de moins ressentir leur souffrance. Une absence d’émotions visibles ne signifie donc pas que la victime n’a pas de séquelles psychologiques.
Accueillir
Accueillez la victime dans un espace sécurisant et bienveillant. Construisez une relation de confiance avec elle afin qu’elle puisse se confier. Pensez par exemple à la maintenir loin de l’agitation, à lui éviter d’être interrompue lorsqu’elle raconte ce qu’elle a subi. Recevez-la seule si vous faites partie du monde médical ou à deux dans les autres cas. Une victime ne va pas forcément se sentir plus à l’aise avec une femme, car c’est le positionnement bienveillant et l’écoute qui seront importants. Si vous avez le choix entre plusieurs personnes, demandez-lui auprès de quel professionnel elle préfère être reçue.
Laissez à la victime le temps d’exprimer ses émotions. Dans un premier temps il n’est pas forcément utile de parler : il suffit parfois d’être présent, de proposer un verre d’eau ou un mouchoir. Si vous souhaitez parler, vous pouvez ponctuer son récit en demandant certains détails (lieu, date, etc.). Rassurez-la en lui disant qu’elle peut prendre son temps, que vous êtes là pour l’écouter
Soyez vigilant à ce que vous communiquez à la victime. Elle peut minimiser ce qui lui est arrivé et dire que ce n’est pas grave. Accueillez ses propos, mais prenez garde à ne pas montrer des signes d’acquiescement. Vous pouvez dire à la victime que ce qu’elle a vécu vous touche, vous met en colère, mais régulez vos émotions et maintenez une distance juste. La victime a besoin d’un adulte calme et sécurisant pour la soutenir.
Assurez la sécurité immédiate de la victime et de son entourage. Elle peut être suivie par son proxénète ou recevoir des menaces. Assurez-vous par exemple que la victime a un endroit sûr pour dormir ou se réfugier. Au besoin, vous pouvez contacter les services de l’Aide Sociale à l’Enfance, le parquet, ou bien les services hospitaliers. Ne mettez jamais la victime en présence de la ou des personnes qu’elle accuse de violences (pour confronter les témoignages, par exemple).
Recherchez les violences potentiellement subies en posant des questions explicites : « As-tu subi des violences physiques ? Sexuelles ? Psychologiques ? ». Prenez note des paroles exactes de la victime, car vous pourrez être amené à les restituer dans le cadre d’informations préoccupantes ou de signalements. La priorité reste d’établir un lien de confiance avec la victime. Si celle-ci ne souhaite pas témoigner`, maintenez un lien suffisamment solide pour l’accompagner sur la durée et recueillir des informations au fur et à mesure.
Présentez la victime à des professionnels de santé dans les meilleurs délais pour des soins physiques et psychologiques adaptés (contraception d’urgence, infections sexuellement transmissibles, choc psychotraumatique, risques suicidaires…) et pour recueillir des preuves médico-légales (lésions physiques, atteintes neuro-psychiques, traces ADN…).
Enquêter pour essayer d’établir la véracité des propos de la victime est une mission qui incombe uniquement aux professionnels de la police et de la justice.
Ne promettez pas à la victime de garder le secret. Chaque intervenant est soumis à des obligations de signalement qui sont propres à son secteur professionnel (notamment pour les professionnels de santé). Chacun doit agir selon son contexte, et en respect des règles de secret professionnel qui s’appliquent à sa mission. Cela étant, la prostitution met les mineurs en situation de danger, et vous êtes dans l’obligation de prendre les mesures adéquates à cet égard. Pour garder la confiance du mineur, vous pouvez le rassurer en lui disant que vous ne pouvez pas promettre de vous taire, mais que vous promettez de tout faire pour l’aider et le protéger.
Respectez le temps de la victime. Une victime de prostitution va mettre du temps à se reconnaître victime, à comprendre qu’il s’agit de prostitution. Respectez ce temps de compréhension, utilisez ses mots, ne la brusquez pas. Si elle se définit par exemple comme « escort girl » ou « michetonneuse », reprenez ce mot lorsque vous êtes avec elle.
Attention : si certaines situations nécessitent des actions en urgence (signalement, placement, dépôt de plainte, etc.), demandez-vous s’il est utile et possible de prendre le temps de mieux évaluer le contexte de la victime afin de nouer une relation durable avec elle et d’être en mesure de recueillir des informations importantes qui serviront par la suite.
Accompagner
Recherchez les effets des violences sur la victime en posant des questions sur son état de santé physique et psychologique : humeurs, alimentation, sommeil, consommation de drogues, etc. Reconnaissez la gravité de ces effets. Vous pouvez dire que les violences qu’elle dit avoir subi et les conséquences qu’elle décrit sont graves.
Expliquez la situation à la cellule familiale de la victime et accompagnez-les. Ils sont des victimes indirectes de la prostitution de leur enfant et ont besoin d’être écoutés et considérés en tant que tels. Faites-leur comprendre que leur enfant n’est pas responsable de sa situation.
Travaillez avec la victime sur la vision ambivalente qu’elle peut avoir envers ses agresseurs (clients, proxénètes, michetons, rabatteuses) et sur les mécanismes qu’ils ont mis en place avec elle.
Informez la victime des actions que vous allez entreprendre. Ces mineurs ont perdu le contrôle de leur vie, il est important de ne pas les exclure du processus d’aide. Dites-lui que vous allez essayer de l’aider et ce que vous aller entreprendre pour cela.
Informez la victime sur les aides et ressources disponibles. Par exemple, ses droits et les possibilités de porter plainte.
Ne vous focalisez pas uniquement sur les problèmes et dangers encourus. Valorisez les qualités de la victime, ses passions et centres d’intérêt, pour parvenir à la mobiliser et lui redonner de l’estime pour elle-même. Par ailleurs, à travers diverses activités de loisir et de détente, il est intéressant de lui réapprendre à envisager son corps sous l’angle du soin et du bien-être.
Installez votre travail d’accompagnement dans la durée et la sécurité. Respectez le rythme de la victime, qui peut faire des allers-retours, faire des progrès puis régresser, et changer souvent d’avis. il est important de rester à l’écoute, car il s’agit de comportements très fréquents qui s’expliquent par des mécanismes psychologiques classiques.
Impliquez les parents dans le processus d’aide de leur enfant (après évaluation de la possibilité de le faire). Ne stigmatisez pas les parents, il n’existe pas forcément de difficultés familiales en amont. Les parents seront vos relais dans la vie quotidienne. Le manque de lien entre les parents et les professionnels peut empêcher la victime de sentir que ses parents sont présents et soutenants, ce dont elle a besoin pour se reconstruire.