Inquiétudes autour de l’augmentation de la prostitution de mineurs en France
Entre 6 000 et 10 000 mineurs se prostitueraient en France et le phénomène s’amplifierait année après année, alerte l’association Agir contre la Prostitution des Enfants (ACPE).
Pierre Longeray déc. 6 2016, 2:30pm
Entre 6 000 et 10 000 mineurs se prostitueraient en France et le phénomène s’amplifierait année après année, alerte l’association Agir contre la Prostitution des Enfants (ACPE) dans un nouveau rapport. Celui-ci se base sur cinquante affaires judiciaires dans laquelle l’ACPE s’est portée partie civile.
« Il est temps pour les Français et les autorités publiques d’ouvrir les yeux sur ce fléau, qui représente un grave enjeu de santé publique, et ce d’autant plus qu’il se développe de façon exponentielle avec les nouveaux usages d’Internet », alertait Armelle Le Bigot-Macaux, la présidente de l’ACPE, à l’occasion d’un colloque intitulé « STOP à la prostitution des enfants en France » qui s’est tenu à l’Assemblée nationale, le 29 novembre dernier Dans son rapport, l’ACPE distingue la prostitution des mineurs français de celle des mineurs étrangers, qui ne répondent pas des mêmes logiques.
Les mineurs français qui se prostituent sont principalement des jeunes filles, indique l’association. « Beaucoup de mineurs français s’adonnant à des pratiques prostitutionnelles ne se considèrent pas eux-mêmes comme prostitués et refusent cette dénomination, » note le rapport.
L’association alerte à ce propos sur une forme particulière de prostitution qui ne dit pas son nom : le « michetonnage » — comprendre une jeune femme qui entretient une relation avec un homme plus âgé et plus riche en échange de vêtements, sacs ou téléphones. Certaines jeunes filles ne demanderaient plus d’argent en échange d’une relation sexuelle mais la « formule » : une bouteille de vodka, une bouteille de jus d’orange, des cigarettes, des feuilles à rouler, de la résine de cannabis et une boîte de Kinder, avec un peu d’argent.
Mais à terme, celles que le rapport désigne par le terme « michtonneuses » finissent par se faire elles-mêmes manipuler. Problème soulevé par l’association, aucun suivi institutionnel n’existe pour aider ces jeunes filles à sortir de cette pratique.
L’ACPE pointe ensuite un autre cas : celui des mineurs prostitués par des réseaux de proxénétisme. Reprenant la catégorisation de l’association nationale de réadaptation sociale (ANRS), le rapport distingue un proxénétisme de « bas niveau » (lié à des bandes qui trempent dans divers trafics), un proxénétisme « de galère ou de survie » puis le proxénétisme de « niveau supérieur ».
Pour rentrer dans ces réseaux, les méthodes sont diverses. Parfois une addiction à la drogue alimentée par des proxénètes peut jouer, dans d’autres cas un « loverboy » peut demander à sa petite amie de se prostituer pour lui. Sur les réseaux sociaux, des proxénètes repèrent aussi des mineurs en leur proposant de faire des photos ou de devenir « escort ».
Enfin, il existe le cas de la prostitution « occasionnelle » hors réseaux qui est « pratiquée dans l’urgence, en échange d’un hébergement, d’un repas, d’un réconfort contre l’isolement social, par recherche d’un « plus » ou par dépendance (drogue). » Ce type de prostitution est difficilement repérable parce qu’elle se produit dans les parkings, les gares, caves ou encore les toilettes d’établissement scolaires.
L’ACPE indique que cette prostitution occasionnelle touche « toutes les classes sociales ».
Pour ce qui est des mineurs étrangers prostitués en France, leur cas relève principalement de la traite d’êtres humains. La police a indiqué à l’ACPE qu’il n’existe pas de réseaux uniquement dédiés aux mineurs. Les mineurs étrangers se retrouveraient donc dans le même schéma que les majeurs.
« Beaucoup de ces mineurs ne sont pas présents en France de manière pérenne, mais circulent d’un pays européen à l’autre, » indique le rapport, qui cite la commission nationale des Droits de l’Homme. « Depuis quelques années, on assiste à une augmentation du nombre d’enfants victimes en provenance d’autres pays, et plus précisément du Nigéria, du Maroc, d’Afghanistan, mais aussi de Chine. »
Les victimes sont principalement des jeunes filles comme pour les mineurs français. L’association note aussi qu’à Paris, les cas de prostitution masculine concernent principalement des adolescents venus de Roumanie et du Maghreb.
Dans sa conclusion, l’ACPE recommande plusieurs actions à commencer par une meilleure sensibilisation et formation des agents de police qui ne respectent pas toujours la procédure de signalement. L’ACPE demande aussi la conduite d’une étude exhaustive sur la prostitution des mineurs ainsi que la création de lieux d’accueil et d’hébergement spécifiques pour les mineurs prostitués.
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