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Prostitution des adolescents : pourquoi et comment ?

Dernière mise à jour : 24 janv. 2023



Tout d’abord, mettons fin à une idée-reçue : la prostitution des mineurs n’est pas une question d’appât du gain ou « d’argent facile ». On peut admettre que leur discours tient souvent de questions matérialistes et financières, mais avec un peu d’effort, on peut vite s’apercevoir que les motivations sont bien plus complexes qu’un simple penchant vénal.


Nous pouvons adopter trois échelles d’analyse pour comprendre la prostitution des adolescents. Premièrement, n’oublions pas que les enfants sont à l’image de la société dans laquelle ils grandissent. Et on peut sérieusement s’interroger sur les valeurs que nous véhiculons aux adolescents. Par exemple, dans la publicité, dans les clips musicaux ou dans les émissions de télé-réalité, il est extrêmement fréquent de valoriser les attributs physiques et sexuels et de mettre en avant la réussite financière. Nous entretenons donc une culture de l’avoir, plutôt que de mettre à l’honneur des considérations intellectuelles ou des valeurs d’altruisme.


Par ailleurs, l’image de la femme est bien trop souvent réduite au statut d’objet sexuel. L’égalité des genres n’est pas suffisamment mise en avant, et on a l’impression que les femmes et le sexe sont de simples conquêtes ou des produits de consommation. On ne compte plus les publicités érotisées, qui associent la nudité et la vente d’un produit de luxe ou de consommation courante.


Ajoutons à cela la propagation massive de la culture pornographique. Avec l’accès de plus en plus précoce à Internet, aux téléphones et tablettes, les enfants sont exposés de plus en plus jeunes aux contenus pornographiques. Tandis que ces vidéos sont de plus en plus stéréotypées, violentes, et réalisées dans le but de générer une forte audience, la sexualité des adolescents est façonnée de telle sorte que les sentiments, le désir et le plaisir mutuels sont éclipsés par la volonté de performance, voire de domination.


Deuxièmement, il faut toujours garder à l’esprit que, avant d’être des personnes prostituées, les victimes sont des adolescents. Et l’adolescence présente certaines caractéristiques qui facilitent les prises de risque. Le besoin premier d’un adolescent, c’est de se sentir appartenir à un groupe. Le rejet par les autres peut être vécu comme insupportable, et c’est pourquoi il peut arriver à des jeunes filles ou garçons d’accepter des choses qu’ils ne veulent pas faire, simplement pour se faire accepter ou pour obtenir de l’affection.


Les adolescents ont également la volonté de se donner des airs d’adultes, de prendre leur autonomie et toutes sortes de libertés. C’est notamment un attrait important de la prostitution, qu’ils appellent souvent « escorting » ou « michetonnage ». Ils sont hors du domicile familial, ne vont plus à l’école, font la fête, se couchent quand ils veulent, mangent ce qu’ils veulent : bref, ils ont l’impression d’être enfin libres. Bien entendu, c’est une parfaite illusion, puisqu’ils sont en situation d’exploitation.


On peut également ajouter que, malgré les extrêmes souffrances qui sont endurées, les conduites prostitutionnelles procurent beaucoup d’adrénaline. Et les adolescents expliquent parfois qu’ils sont précisément en quête de sensations fortes. Elles ont notamment pour utilité d’anesthésier les émotions, de mettre à distance les angoisses, mais également d’explorer ses propres limites.


Et, troisièmement, il faut évidemment s’intéresser à l’histoire personnelle de chaque individu. Si chaque parcours est unique, il est tout de même possible de trouver de nombreux points communs.


Dans le passé d’une victime de prostitution, on retrouve souvent des violences sexuelles, ou des expériences affectives et amoureuses vécues comme très dévalorisantes. Il s’agit d’enfant qui peuvent grandir dans un milieu familial ou social insécurisant, ou qui sont rejetés par leurs parents. Ces enfants peuvent également être élevés par des parents bien intégrés, et bienveillants, mais certaines expériences vont créer une fragilité psychologique, ou une carence affective.


Dans le parcours d’entrée dans la prostitution, la consommation de stupéfiants est fréquente, qu’il s’agisse d’alcool, de cannabis, ou de cocaïne. On observe également de l’absentéisme scolaire, des fugues, et, globalement de mauvaises rencontres. Au final, il y a toujours une personne, proxénète ou client, qui exploite la vulnérabilité de la victime. Les exploiteurs peuvent être plus âgés, ou du même âge ; ils peuvent être de amis, des petits copains, ou même des parents.


A bien y réfléchir, on trouve finalement beaucoup de facteurs d’explication pour comprendre qu’un enfant, aujourd’hui en France, puisse être en situation de prostitution. D’autant plus que la prostitution prend des formes très variées. On comprend également que la prostitution n’est pas seulement une question de précarité financière, mais concerne tous les milieux sociaux et peut toucher toutes les familles.

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