UNE AFFAIRE, UN POINT JURIDIQUE | L’atteinte sexuelle : une infraction désuète ?
- ACPE Association
- 6 mai
- 4 min de lecture
L’article 227-25 du Code pénal qui sanctionne l’atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans, ne définit pas l’infraction, mais la distingue seulement du viol et de “toute autre agression sexuelle”.
Il apparaît difficile de saisir ce qui relève de l’“atteinte”, quels comportements sont couverts par cette qualification…
Récemment, l’association ACPE était présente en qualité de partie civile dans une affaire portant sur des faits d’atteinte sexuelle sur mineurs : l’affaire Julie.
A cette occasion, il convient d’étudier cette notion juridique qui semble désormais désuète à l’aune de la loi Billon adoptée le 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.
Avant la loi Billon, qu’est-ce qui différenciait l’atteinte sexuelle de l’agression sexuelle ?
Avant la réforme du 21 avril 2021, l’atteinte sexuelle était entendue comme le fait d’avoir avec un mineur un comportement de nature sexuelle commis sans violence, contrainte, menace ou surprise, tandis qu’une agression sexuelle ou un viol ne pouvait être caractérisé qu’en présence d’un de ces 4 éléments.
Qu’est-ce qui change avec la loi Billon ?
Il existe désormais un seuil d'âge en dessous duquel on ne questionnera pas la capacité dont est doté un mineur pour consentir à des relations sexuelles avec un majeur. Ce seuil a été fixé à 15 ans.
Désormais, dès lors qu’un mineur plus jeune a un rapport sexuel avec un adulte, on suppose qu’il n’a pas pu y consentir valablement. Sans qu’il ne soit nécessaire de prouver qu'il y a eu violence menace, surprise ou contrainte, on peut qualifier cet acte sexuel d'agression sexuelle ou de viol au sens du droit.
Le seul fait pour un majeur d’avoir eu un rapport sexuel avec un mineur de moins de 15 ans alors qu’il a plus de 5 ans de différence suffit à qualifier l’infraction de viol (clause Roméo et Juliette).
Ainsi, la loi Billon permet de retenir plus facilement les qualifications d’agression sexuelle et de viol lorsqu’elles concernent des mineurs de moins de 15 ans, au lieu du seul délit d’atteinte sexuelle.
Pourtant, dans l’affaire Julie, et alors que la mineure était âgée de moins de 15 ans, c’est la qualification d’atteinte sexuelle qui a été retenue car au moment des faits la loi Billon n’était pas entrée en vigueur et ne pouvait donc pas s’appliquer.
Quel est l’intérêt de retenir l’infraction d’agression sexuelle ou de viol plutôt que l’atteinte ?
Depuis la loi Billon, l’agression sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans est puni de 10 ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende. Le viol, dans cette hypothèse, est, quant à lui, puni de 20 ans de réclusion criminelle, tandis que l’atteinte sexuelle sera seulement sanctionnée de 7 ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende.
S’agissant des infractions sexuelles commises sur mineur de plus de 15 ans, si le viol est puni de 15 ans de réclusion criminelle, l’atteinte sexuelle pourra uniquement faire l’objet d’une peine maximale de 5 ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.
Retenir la qualification d’agression sexuelle ou de viol au lieu de celle d’atteinte permet ainsi de réprimer plus durement les auteurs d’infractions sexuelles sur mineurs.
Outre une meilleure répression des pédocriminels, la loi Billon offre une protection renforcée aux mineurs.
S’agissant d’êtres particulièrement vulnérables, ceux-ci ont davantage de difficultés à s’opposer à un acte sexuel à l’initiative d’un majeur.
C’est pourquoi, le législateur a décidé que l’écart d’âge entre un majeur et un mineur de moins 15 ans, du fait de leur immaturité émotionnelle et affective, devait suffire à caractériser la violence, la contrainte, la menace ou la surprise.
Il n’est plus nécessaire pour les enfants de moins de 15 ans de démontrer l’absence de consentement pour être reconnus victimes de viols ou d’agressions sexuelles.
Dans quels cas la qualification d’atteinte sexuelle sera-t-elle retenue ?
Dans 3 hypothèses l’agression sexuelle ou le viol ne pourront être retenus sans preuve de l’existence d’une contrainte, menace, violence ou surprise alors même que la victime a moins de 15 ans et qu’il y a présomption de non-consentement :
lorsque l’auteur des faits est mineur
lorsque l’auteur est majeur, mais que la différence d’âge entre l’auteur et la victime est inférieure à 5 ans (clause Roméo et Juliette*)
lorsque la connaissance de l’âge de la victime par l’auteur des faits n’est pas établie.
Dans ces situations, l’atteinte sexuelle sera plus facilement envisagée.
Enfin, on retiendra cette qualification, s’agissant de victimes de plus de 15 ans, lorsqu’il n’a pas été possible d’établir la violence, la contrainte, la menace ou la surprise, dès lors que l’on peut démontrer que le majeur a abusé de son autorité.
Quelles difficultés subsistent pour retenir la qualification d’agression sexuelle ou de viol sans avoir à prouver la violence, la contrainte, la surprise ou la menace ?
Le fait de poser l’âge comme critère peut constituer un premier obstacle puisque le prévenu pourra soutenir qu’il l’ignorait et prendre comme excuse l’apparence de la victime.
Néanmoins, c’est à la personne poursuivie qu’il revient de démontrer qu'elle a pu être induite en erreur.
Ainsi, il ne suffira pas pour elle de dire qu’elle n’avait pas connaissance de l’âge du mineur, mais elle devra prouver qu’un élément a pu lui laisser penser que la victime était majeure.
Enfin, on peut regretter que l’allègement des conditions ne soit applicable qu’aux auteurs majeurs.
En effet, le législateur ne s’est pas intéressé aux relations impliquant un très jeune enfant et un mineur proche de la majorité.
Dans ce cas, il est toujours nécessaire de rapporter la preuve qu’il y a eu violence, contrainte, surprise ou menace.
Pourtant, ces relations sexuelles sont tout autant problématiques que celles visées par la réforme.
Le législateur ne se prononce pas et laisse le juge apprécier si le mineur en l’espèce était discernant, quand bien même celui-ci serait âgé de 6 ans.
Malgré ces difficultés persistantes, la loi Billon représente une avancée incontestable dans le contexte de la répression de l’exploitation sexuelle des mineurs.
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