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Communiqué de presse de « l’Affaire Centrafrique »


« AFFAIRE CENTRAFIQUE » : la République ferme les yeux


25 janvier 2018

Le 11 janvier 2018 les magistrats ont finalement tranché dans l’affaire mettant en cause des militaires de l’opération « Sangaris » en Centrafrique : ce sera un non-lieu.

En juillet 2014, le Parquet de Paris avait été saisi de cette affaire dénonçant des agressions sexuelles sur plusieurs mineurs par des militaires français en Centrafrique entre décembre 2013 et fin mai/début juin 2014. Initialement, 6 témoignages d’enfants ayant entre 9 et 13 ans avaient été recueillis par la MINUSCA, quatre d’entre eux dénonçant des abus sur leur personne, les deux autres sur d’autres mineurs. Au cours de l’instruction, quatorze enfants étaient finalement entendus en tant que victimes et dénonçaient plus d’une dizaine de militaires.


Malgré nombre de preuves et malgré les recommandations du Comité des Droits de l’Enfant de l’ONU dans le 5e rapport périodique de la France en février 2016, de « veiller à ce que les allégations selon lesquelles des soldats français ont commis des actes de violence et d’exploitation sexuelles à l’égard d’enfants en République centrafricaine fassent effectivement l’objet d’enquêtes diligentes et à ce que les auteurs soient poursuivis », la justice française a considéré qu’en raison de la variation des témoignages et de la complexité de l’affaire que les faits reprochés aux militaires ne pouvaient être établis de manière certaine.

Une enquête trop rapidement expédiée

On peut toutefois émettre des réserves quant à la diligence de l’enquête, au regard des actes de procédures effectués. L’ONU rapporte en effet que « des mesures de protection des enfants victimes ou témoins de ces crimes n’ont pas été considérées comme nécessaires » par la France. D’autre part, il est à noter qu’aucune audition des mineurs entendus au cours de l’enquête n’a été filmée, contrairement à ce qui est préconisé en matière de violences sexuelles sur mineurs.


Bien qu’il faille évidemment tenir compte des difficultés d’enquête, notamment en raison du conflit en République centrafricaine, et des immunités de juridictions liées à la pluralité de nationalités des acteurs et des mis en cause dans cette affaire, les raisons qui ont motivé cette ordonnance de non-lieu sont questionnables.


Il ressort en effet de l’ensemble du dossier une volonté de contester la véracité des propos rapportés par les enfants, plutôt que de faire un véritable travail d’investigation. Il est certain que même si des interrogations pouvaient subsister quant aux allégations des enfants – ce qui ne les rend pas moins vraies – les éléments de description qui ont permis d’identifier ces militaires et les lieux où ont été commis les agressions sexuelles étaient si précis que la véracité de leurs propos est difficilement contestable (tatouages, marques sur le corps des militaires, descriptions de certaines pièces auxquelles ils n’avaient normalement pas accès, etc.).

Des infractions flagrantes impunies

Le téléphone d’un des militaires mis en cause contenait d’ailleurs des images pédopornographiques, mais les magistrats ont considéré que « ce faible nombre ne correspondait pas au profil habituel des détenteurs de ce type d’images » et pouvait être dû à un phénomène de « pollution incidente ». Pourtant, la seule possession de ce type d’images est constitutive d’une infraction, et serait tout de même de nature à soulever des interrogations quant aux attirances du propriétaire du téléphone. Pourquoi la justice n’en a-t-elle pas pris compte ?


Plus troublant encore : alors qu’une expertise médicale faisait état de lésions graves et de sévices subis par une jeune fille ayant dénoncé un viol commis par ces militaires, les juges ont considéré que cela ne caractérisait pas un préjudice.


L’ACPE, partie civile dans cette affaire depuis juillet 2017, est d’autant plus concernée du fait que les militaires échangeaient des rations alimentaires contre des services sexuels. Cela constitue des recours à la prostitution, et, dans ce cadre, une enquête aurait pu être diligentée en vertu de nos lois d’extraterritorialité.


Avec ce non-lieu, la justice française a manqué une occasion d’être irréprochable et précurseuse dans un domaine qui dépasse largement le cas de la Centrafrique. En mai 2016, l’ONU annonçait avoir recensé 44 accusations de violences sexuelles uniquement par les Casques bleus, en Centrafrique, en RDC, à Haïti, en Côte d’Ivoire, au Soudan du Sud et au Mali…

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