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"Le loup est dans la bergerie" : l'Officier de Police Judiciaire de la Brigade de Protection des Mineurs de Marseille a été reconnu coupable de viol sur deux enfants

L’Officier de Police Judiciaire de la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) de Marseille a été condamné à une peine de 15 ans d’emprisonnement assortie d’une interdiction d’exercer ses fonctions et d’un suivi socio-judiciaire pendant 10 ans à l’issue de sa détention pour le viol de deux enfants. Un verdict sans surprise mais teinté d’interrogations en suspens. 


« Dr Jekyll et Mr Hyde » : le double visage de Julien PALISCA révélé au procès


« Dr Jekyll et Mr Hyde », c’est ainsi que l’accusé a été nommé par Madame l’Avocate Générale. Un terme qui résume les quatre jours d’audience, où ont défilé, tour à tour, les proches, collègues et victimes de Monsieur PALISCA. Quatre jours où les questions sont, pour la plupart, demeurées des doutes. Des débats qui semblaient concerner non pas une, mais deux personnes : Julien, décrit comme « solaire, souriant, agréable, toujours prêt à aider » et le pédocriminel, dépeint par les experts comme « mythomane », doté d’une « empathie froide à visée utilitariste ».


Un prédateur, qui aurait sciemment intégré des fonctions lui permettant l’accès à des victimes potentielles et qui aurait prémédité ses passages à l’acte par ses voyages à l’étranger ou, selon la défense, un homme en souffrance, victime des abus de son père, qui a cédé à une pulsion paraphilique par opportunité et qui s’en repend ? Les avocats des parties civiles et Madame l’Avocate Générale l’ont successivement dit : chacun repartira avec la même question de cette audience : « Monsieur Julien PALISCA, mais qui êtes-vous ? »


Tourisme sexuel et pédocriminalité : l’importance de porter la voix des victimes aux Philippines


La recherche de la vérité, nécessaire à l’éclairage de la Cour Criminelle, est symptomatique de l’espérance de chacun que l’obtention des réponses viendra permettre de tourner la page plus facilement. Cependant, d’un point de vue criminologique, les aveux, la reconnaissance des faits, en matière de violences sexuelles, ne constituent pas un gage d’absence de récidive. De par le plaider-coupable de l’accusé et les preuves matérielles, la condamnation était acquise. Le réel enjeu de ce procès, c’est la prise de conscience de l’auteur des conséquences de ses actes et des souffrances infligées aux victimes, sous réserve qu’il possède la capacité d’empathie suffisante pour se faire.


L’ACPE s’est constituée partie civile pour cela, pour porter la voix des victimes et contribuer à cette prise de conscience. Miraculeusement, dans ce procès, les victimes ont pu être entendues depuis les Philippines, mais c’est très exceptionnel, l’accusé l’a lui-même avoué, il ne pensait pas qu’elles seraient retrouvées : « C’est comme chercher une aiguille dans une meule de foin. » dira-t-il.


Si l’ACPE œuvre, depuis sa fondation, à lutter contre le tourisme sexuel, c’est pour contrer cette prédation de victimes particulièrement vulnérables et l’impunité recherchée par les auteurs par le passage des frontières. L’intérêt de l’enfant est une valeur qui doit primer mondialement, ailleurs, ce sont toujours des enfants, des enfants à protéger, ailleurs, c’est toujours un crime ; et ce procès, en présence de ces deux victimes à l’autre bout du monde, vient démontrer que le silence peut être brisé, la parole libérée, même à des milliers de kilomètres.

Maître Elsa MICHALOUD, avocate de l'ACPE : « Nous pouvons adresser un message fort d’espoir aux enfants : nous vous protégeons maintenant. »

Et en réponse à la version des faits de l’accusé, différente de celle de la victime, qui indique avoir été lui-même abordé par ce jeune adolescent qui se prostituait à Manille, l’avocate de l’ACPE rappelle dans sa plaidoirie que, face à des enfants en situation de précarité et de vulnérabilité extrême, à la rue, livrés à eux-mêmes : « NON, la prostitution de ces enfants n’est pas une circonstance atténuante. »


L’inertie des autorités hiérarchiques face aux suspicions visant l’accusé


Ce procès vient également questionner les prémisses de cette affaire et la réaction, ou plutôt l’absence de réaction des autorités hiérarchiques de l’accusé. Cela fait tristement écho à de récents procès et révèle, une fois de plus, que les mesures préventives, nécessaires à la manifestation sereine de la vérité, n’existent pas dans nos administrations publiques. Elles ne semblent en mesure de réagir que lorsqu’elles sont mises devant le fait accompli, en réponse à des drames, et non pas en réponse à des suspicions. La réponse principale est souvent le déplacement des mises en cause, en sus, par exemple, d’une suspension durant le temps de l’enquête, plus à même de garantir l’absence de dommages supplémentaires.


Maître Joanny MOULIN (avocat des associations Enfance et Partage et Parole de l’enfant), soulignera des dysfonctionnements hiérarchiques face aux indices et aux alertes répétées du courageux binôme de l’accusé qui, envers et contre tous, aura finalement permis, par sa ténacité, à révéler cette affaire. A la barre, il s’indigne : « C’est ici que j’ai prêté serment […] et je suis peiné de voir un commandant de police venir devant une cour criminelle lever la main droite, jurer et mentir, avoir fait des faux en écriture publique, des faux PV de police, antidatés. »


L’ACPE s’étonne également, douloureusement, de la réponse d’une des anciennes supérieures hiérarchiques de l’accusé à la BPM alors qu’elle est interpellée par Maître MICHALOUD (avocate de l'ACPE) sur l’absence de réaction hiérarchique au sujet des S%S tendancieux envoyés par l’accusé à une victime mineure venue déposer plainte au service : « On est face à de la drague par un policier ayant autorité, hors cadre, avec une personne vulnérable victime de viol, comment vous ne vous êtes pas posé ces questions-là ? », et la cheffe de groupe de répondre «  Il avait 17 ans, il était dans un échange, c’était un jeune qui se prostituait ».

Il n’est pas question, ici, de jeter l’opprobre sur le travail quotidien difficile et essentiel des agents de la BPM, que ne manquera pas de saluer Madame l’Avocate Générale, mais de venir, tout d’abord, rappeler à chacun.e que tout.e mineur.e en situation de prostitution est une victime aux yeux de la loi et que l’Etat lui doit protection et, ensuite, de permettre une remise en question des réactions de l’administration lorsque le comportement d’un agent laisse place aux doutes, afin d’éviter à l’avenir d’avoir un « loup dans la bergerie ».




 
 
 
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