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UNE AFFAIRE, UN POINT JURIDIQUE | La corruption de mineurs : une infraction confuse ?

L’article 227-22 alinéa 1er du Code pénal définit l’infraction de corruption de mineur comme : “Le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d’un mineur”. 


La loi n’apporte ensuite aucune précision quant à cette définition et se contente d’énumérer les hypothèses qui constituent des circonstances aggravantes.


L'affaire Morandini


Récemment, l’association ACPE était présente en qualité de partie civile dans une affaire de corruption de mineurs : l’affaire Morandini.

Cela a été l’occasion de revenir sur les approximations qui entourent cette notion, notamment par l’examen d’une demande de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée à ce sujet. 


Lors de l’audience d’appel de l’affaire Morandini, la défense a soulevé une QPC, considérant que l’article (mentionné précédemment) qui sanctionne les faits reprochés au prévenu, serait contraire à la Constitution, et plus précisément, au principe de légalité des délits et des peines.


Le principe de légalité des délits et des peines


Le principe de légalité a valeur constitutionnelle depuis 1958 et exige de la loi qu’elle réponde à des impératifs de clarté, de précision, de prévisibilité, d’accessibilité et d’intelligibilité

Elle doit être suffisamment claire et précise pour permettre la détermination des infractions et exclure l’arbitraire dans le prononcé des peines.


La défense a estimé que l’article 227-22 ne définissait pas assez clairement l’“acte corrupteur”, raison pour laquelle elle a souhaité que le Conseil constitutionnel évalue sa conformité à la Constitution.

Pour ce faire, il aurait fallu que les juges de la Cour d’appel de Paris décident de la lui transmettre, ce qui n’a pas été le cas.


Ce n’est pas la première fois que la question était posée. Les juges n’ont donc fait que réaffirmer ce qui avait été dit précédemment.

En effet, dans une décision du 20 février 2013 (12-90.074), la chambre criminelle avait déjà considéré, dans le cadre d’une demande de transmission de QPC, que la définition de la corruption de mineur était suffisamment précise et qu’il n’était alors pas nécessaire que le Conseil constitutionnel se prononce.

L’article reprenait, selon elle, les “éléments constitutifs de l’ancien délit d’excitation de mineur à la débauche” et satisfaisait alors l’exigence de précision. 

Les juges, par interprétation, avaient considéré que la corruption désignait tout agissement, qui, par sa nature, traduit "de la part de leur auteur, la volonté de pervertir la sexualité d’un mineur”.


Pourquoi les juges ont-ils, à nouveau, refusé de transmettre la QPC ?


Si le législateur n’a fourni que très peu d’éléments pour que soit correctement définie l’infraction, la jurisprudence a progressivement permis de mieux saisir ce qui relève de la corruption de mineurs.


Dans différentes décisions, il a été précisé ce qui pouvait être entendu par “acte de corruption”

Il peut s’agir du fait de :

  • Se livrer à des actes obscènes en présence d’un.e mineur.e

  • Echanger avec un.e mineur.e des correspondances érotiques 

  • Inciter un.e mineur.e à prendre des poses subjectives pour la réalisation de photographies

  • Encourager un.e mineur.e à dévoiler son sexe...


Pourquoi cette décision fait-elle débat ? 


Elle peut être contestable si l’on considère que la jurisprudence est insuffisante en la matière.

C’est ce qui a été argumenté par la défense, celle-ci estimant que les décisions ne sont pas assez claires et constantes pour comprendre aisément ce qui est attendu pour qualifier des agissements de faits de corruption.

En effet, même lorsque la Cour de cassation a apporté de nouveaux éléments venant préciser la loi, elle a employé le terme “pervertir”, une notion à géométrie variable qui n’a jamais été définie en droit.


On peut également s’étonner de ce refus lorsque l’on regarde le précédent qu’il y a eu concernant l’infraction de harcèlement sexuel.

Celle-ci, définie dans le Code pénal comme le “fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles”, a fait l’objet d’une QPC pour clarification.

Le Conseil constitutionnel avait alors décidé de censurer la disposition, considérant que les éléments constitutifs de l’infraction n’étaient pas suffisamment définis.

Le législateur a ainsi dû préciser le délit de manière à se conformer aux exigences constitutionnelles (au principe de légalité des délits et des peines).


Comment peut-on distinguer la corruption de mineurs des délits annexes ?


Le délit de corruption de mineur se distingue des autres délits par l’intention de l’auteur des faits de pervertir la sexualité du.de la mineur.e, nécessaire pour retenir cette qualification.

Dans l’hypothèse où l’on ne pourrait établir cette intention, les faits pourraient constituer une autre infraction, comme le délit de “propositions sexuelles à un mineur” prévu à l’article 227-22-1 du Code pénal.


Qu’est-ce qui change avec la loi Billon ?


Le législateur s’est intéressé à l’utilisation illicite qui est faite du numérique. 

Il a cherché à protéger les mineurs des comportements dangereux favorisés par le développement d’Internet et a ainsi, créé deux nouvelles infractions : 

  • “Le fait pour un majeur d’inciter un mineur, par un moyen de communication électronique, à commettre tout acte de nature sexuelle, soit sur lui-même, soit sur ou avec un tiers, y compris si cette incitation n'est pas suivie d’effet”

  • “Le fait pour un majeur de solliciter auprès d’un mineur la diffusion ou la transmission d'images, vidéos ou représentations à caractère pornographique dudit mineur


La loi a, ainsi, permis d’adapter la réponse pénale aux nouveaux dangers du numérique auxquels sont largement exposé.e.s les jeunes, mais demeure la nécessité de clarifier le régime légal des violences sexuelles.


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